Des communautés mystérieuses
Autrefois, dans notre région, des petites communautés se rencontraient de nuit dans des lieux tenus secrets. Qui étaient-elles ? Quelles étaient leurs motivations,
leurs pratiques ? Les habitants n’étaient pas très rassurés quant à leurs coutumes. Parfois, les gens croyaient être en présence de rites sataniques, d’autant que, aux XVII – XVIIIème siècles, les procès pour sorcellerie étaient fréquents.
Aujourd’hui, les historiens nous révèlent une réalité infiniment plus paisible…
Après la Réforme de Zwingli à Zürich, certains disciples, plus absolutistes, fondèrent la communauté des anabaptistes. Ils déclarèrent notamment que les enfants ne devaient pas être baptisé dès leur naissance, qu’ils pourraient le faire par la suite selon leurs convictions profondes. En outre, ils refusaient que l’Etat ait un quelconque pouvoir sur leur église et, par conviction religieuse de paix et d’amour du prochain, il refusaient de porter des armes ! Cette opposition farouche à l’Etat et à l’Eglise leur a valu, pendant des siècles, d’être repoussés comme des parias. En fait ils étaient tout juste tolérés, pour autant qu’ils passent inaperçus et ne fasse pas de concurrence à la religion officielle.
Dans le Jura bernois, ils purent s’établir dans les régions les plus inhospitalières, au-dessus de 1000m, au climat froid et rude. Afin de célébrer leurs cultes en paix, ils recherchèrent les lieux les plus reculés où ils se réunissaient de nuit. Par la suite le mouvement anabaptiste s’est diversifié en micro-communautés et a essaimé dans le monde : Canada, Etats-Unis, Mexique, Amérique latine, Allemagne et Suisse, ainsi les mennonites, du nom de Menno Simons, un ancien prêtre catholique néerlandais. Ce mouvement compte actuellement 1.300.000 adeptes dans le monde.
Depuis le XIXème siècle, l’hostilité à leur égard s’est peu à peu atténuée. Aujourd’hui, ces communautés sont reconnues et peuvent ce réunir sereinement dans leurs chapelles. Dans notre région, il subsiste de cette période troublée d’autrefois, quelques sites renfermant des traces de ces réunions secrètes.
Par exemple la chapelle des Chèvres à l’E du Pichoux, à 815 m d’altitude, il s’agit en fait d’une grotte utilisée de jour comme abri par les chevriers et la nuit comme lieu de culte. Actuellement elle est devenue un lieu de pèlerinage pour les ménnonites, certains viennent même des USA. On y trouve une plaque commémorative du mouvement dès 1525.
Autre exemple, le Pont des Anabaptistes sur Corgémont, tout en amont de la Combe-du-Bez. Une passerelle en bois, puis un pont de pierre construit en 1835 per-
mettaient de traverser le ravin et c’est à l’abri de ces ouvrages, que les Anabaptistes avaient choisi de se réunir. En 1924, le pont de pierre s’est effondré, sans faire de victime. L’actuelle passerelle métallique a été construite en 2010. Dans le fond de la gorge on trouve de mystérieuses inscriptions taillées dans la roche, que le Service d’archéologie du canton tente de déchiffrer, sans grand succès pour l’instant.
M. Bueche – culture et environnement
Tiré de : Stefan Ansermet - Lieux mystérieux de Suisse romande. Vol. 2 – Favre 2017